Une histoire vraie, entre un oiseau et un serpent
Lâoiseau se jeta sur le serpent ! Il se jeta sur lui, dĂ©nuĂ© de toute compassion. Il sâattaqua Ă la tĂȘte du serpent avec son bec, en le frappant encore et encore. Le serpent se mit alors Ă hurler, se lamenter et prĂ©tendre ĂȘtre victime dâinjustice. Il sâadressa Ă tout ce public : « Regardez cet oiseau terroriste et oppresseur ! Il mâagresse, sĂšme la destruction et la terreur ! » Mais lâoiseau continua de mutiler son corps sans prĂȘter attention aux appels et aux larmes du serpent, devant un public ahuri et silencieux, comme Ă son habitude, trop occupĂ© Ă analyser la situation. Lâanalyste politique dit alors : « Lâoiseau a un plan secret, financĂ© par une force externe. » Lâanalyste religieux dit Ă son tour : « Câest de lâextrĂ©misme et une agression. » Et lâanalyste Ă©conomique dit : « Câest la faim qui pousse lâoiseau Ă picorer la chair du serpent. La faim, rien de plus ! » Le public continua de philosopher, au milieu des cris dâencouragement et dâindignation, de soutien et de blĂąme en un mĂȘme instant.
Peu de temps aprĂšs, lâoiseau sâĂ©loigna laissant derriĂšre-lui le cadavre figĂ© du serpent, face Ă cet attroupement de spectateurs ahuris. Certains curieux vinrent avec des ciseaux pour ouvrir la partie gonflĂ©e du ventre du serpent. Câest lĂ que tous sâĂ©tonnĂšrent et purent enfin dĂ©couvrir la vĂ©ritĂ©. Ils virent lâoisillon de ce pauvre oiseau quâavait ingurgitĂ© le serpent pendant son absence. Il lâavait ingurgitĂ© sans Ă©prouver la moindre misĂ©ricorde et compassion. Il lâavait ingurgitĂ© alors quâil pleurait, se plaignant de la perfidie des traĂźtres qui nâont su manifester de la compassion face Ă sa faiblesse.
Le serpent avait oubliĂ© son crime ! Mais lâoiseau, lui, ne lâavait pas oubliĂ©. Lâheure de la vengeance avait sonnĂ©e pour toutes les larmes et les chĂątiments subis par ces innocents, devant un public toujours plongĂ©, comme Ă son habitude, dans leurs analyses, entre ceux qui approuvent et dĂ©sapprouvent.
Fayiz Al-KandarĂź