Il convient, pour celui qui veut accomplir le pèlerinage, de commencer par se repentir, réparer les injustices, rembourser les dettes, assurer les dépenses de tous ceux qui sont à sa charge jusqu’à son retour, et rendre les dépôts qui lui ont été confiés. Il doit emporter avec lui suffisamment d’argent licite pour son voyage aller et retour, sans avarice, d’une manière qui lui permette d’étendre ses provisions et d’être bienveillant envers les pauvres. Il doit également emporter avec lui de quoi s’entretenir physiquement, comme un siwâk, un peigne, un miroir, et une boîte à Khôl.
Qu’il fasse l’aumône avant son départ. S’il loue un chameau, qu’il montre au chamelier tout ce qu’il veut transporter, que cela soit minime ou important. Un homme dit à Ibn Al-Moubârak : « Peux-tu porter pour moi cette pièce de tissu à untel ? » Il lui répondit : « Pas avant que je ne demande la permission au chamelier. »
Il doit également rechercher un compagnon de voyage pieux, qui aime le bien et aide à le pratiquer, celui qui, s’il oublie lui rappellera, et s’il lui rappelle l’aidera, et si sa poitrine se sert le soutiendra. Que les compagnons de voyage désignent pour émir celui d’entre eux qui a le meilleur comportement et se montre le plus bienveillant envers ses compagnons. Il est nécessaire de désigner un émir car les opinions divergent et les choses ne vont pas d’elles-mêmes. L’émir doit être bienveillant envers ses compagnons, considérer ce qui est leur intérêt, et les protéger.
Le voyageur doit user de belles paroles, offre de la nourriture et faire preuve de nobles caractères, car le voyage fait surgir ce qui est enfoui dans le tréfonds de l’homme. Ainsi celui qui fait preuve d’un bon comportement durant le voyage, qui est source de contrariété, sera de meilleur comportement encore lorsqu’il est résident. L’adage (proverbe) dit : lorsqu’un homme est loué à la fois par ceux qui traitent avec lui dans sa vie de tous les jours, et par ses compagnons de voyage, ne doutez pas de sa rectitude.
Il convient de faire ses adieux à ses compagnons et à ses frères résidents, solliciter leurs invocations, se mettre en route un jeudi à l’aube, accomplir chez soi deux unités de prières avant de sortir, confier ses proches et ses biens à Allah, et prononcer les invocations et formules de rappel rapportées du Prophète صلى الله عليه و سلم au moment de quitter sa maison, en s’installant sur sa monture et en descendant. Celles-ci sont connues et figurent dans de nombreux ouvrages consacrés aux rites du pèlerinage. De même concernant l’ensemble des rites comme la sacralisation, les circumambulations, le parcours [entre les deux monts], la station à ‘Arafah, et d’autres pratiques du pèlerinage, il faut accompagner cela de ce qui a été rapporté comme invocations, formules de rappel et règles de bienséance. Tout ceci est mentionné dans les ouvrages de fiqh et ailleurs, et c’est là qu’il faut aller les chercher.
Règles de bienséance intérieures et secrets du pèlerinage
Sache qu’on ne parvient à Allah qu’en se dépouillant et en se consacrant exclusivement à Son Service. Les ermites se retiraient dans les montagnes pour rechercher la proximité avec Allah, et le pèlerinage a été institué comme monachisme de cette communauté.
Parmi les règles de bienséance mentionnées est qu’il faut que le pèlerinage soit dénué de tout commerce qui occupe le coeur et le dissipe, afin qu’il se concentre sur l’obéissance à Allah, que le pèlerin soit hirsute, poussiéreux, à l’allure vétuste, et qu’il n’exagère aucune forme de parure.
Le pèlerin doit éviter l’usage du palanquin, sauf pour un motif légal, à l’instar de celui qui ne sait se tenir sur la chamelle chargée. Ainsi, on rapporte que le Prophète صلى الله عليه و سلم accomplit le pèlerinage à dos de chamelle portant une selle modeste. [As-Sahîhah (2617)] Et dans le hadîth de Jâbir, il est mentionné que le Prophète صلى الله عليه و سلم a dit : « Allah Se vante du pèlerin devant les anges et leur dit : Regardez Mes Serviteurs ! Ils viennent à Moi Hirsutes et poussiéreux, des contrées les plus éloignées. Je vous prends pour témoins que Je leur pardonne. » [Sahîh Al-Jâmi’ (1867)]
Allah a honoré et ennoblit Sa maison, Il en a fait un point de convergence pour Ses serviteurs, Il a fait de ce qui est autour d’elle un territoire sacré pour accentuer et révérer son rang, et Il a fait de ‘Arafah une place en son centre.
Sache que chacun des rites du pèlerinages recèle un rappel pour qui se rappelle, et un enseignement pour qui sait les considérer :
Parmi ceux-ci, que le pèlerin se rappelle, en cherchant ses provisions pour le voyage, les provisions en oeuvre pour l’au-delà. Qu’il prenne garde que ses oeuvres ne soient corrompues par l’ostentation et la recherche de réputation, car elles ne lui seront ni de bonne compagnie, ni d’aucune utilité, tel l’aliment frais qui pourrit dès la première halte du voyage, laissant le voyageur dans l’embarras au moment où il en a besoin. De même, lorsque le pèlerin quitte son pays, s’engage dans le voyage et rencontre ses difficultés, que cela lui rappelle comment la mort le fera quitter ce bas-monde pour le rendez-vous de la Résurrection, et toutes les frayeurs qu’il aura à affronter.
Ainsi, qu’il se rappelle, lorsqu’il se sacralise et se dépouille de ses vêtements, comment il sera vêtu de son linceul et rencontrera son Seigneur dans une tenue différente de celle des gens de ce bas-monde. Lorsqu’il formule la talbiyah qu’il ait à l’esprit de répondre à Allah lorsqu’Il dit : {Appelle les gens pour le Pèlerinage (…)} [Sourate Al-Hajj, verset 27]
Qu’il espère l’acceptation et craigne de ne pas être exaucé. Lorsqu’il parvient au territoire sacré, il doit espérer être préservé du châtiment et craindre de ne pas être parmi les rapprochés. Néanmoins il convient que l’espérance domine, car la générosité s’étend à tous, le droit du visiteur est considéré, et la protection de qui demande refuge n’est pas bafouée.
Aussi, en voyant la Maison sacrée, qu’il ait à l’esprit sa grandeur en son coeur et remercie Allah pour lui avoir permis d’accéder au rang de ceux qui y parviennent. Qu’il ressente la grandeur du fait d’accomplir des circumambulations autour d’elle, car c’est une prière. Qu’il croit, lorsqu’il salue la pierre noire en la touchant de la main, qu’il prête allégeance à Allah de Lui obéir, et qu’il ajoute à cela la résolution de respecter cette allégeance. Qu’il se rappelle, en s’accrochant aux tentures de la Ka’bah et en collant sa poitrine et son visage [au mur entre la pierre noire et la porte], le refuge du pécheur auprès de son Maître et la proximité de celui qui aime.
Quelqu’un dit en prose à ce sujet :
Les tentures de Ta Maison permettent de parvenir à Ton salut
Je m’y suis accrochées, cherchant refuge auprès de Toi, ô Créateur
Je ne pense pas qu’après m’y être accroché
Par peur de l’Enfer, que Tu m’en rapprocheras
Je suis ici le voisin d’une Maison dont Tu nous dit : Accomplissez
le pèlerinage à celle-ci, et Tu as recommandé la bonté en faveur du voisin
Aussi, lorsqu’il effectue le parcours entre les monts As–Safâ et Al-Marwah, il convient qu’il les voit comme les deux plateaux de la Balance, et son incertitude entre les deux au Jour de la Résurrection, ou encore comme les retours incessant du serviteur à la porte du Roi pour manifester l’exclusivité qu’Il voue à Son service, l’espoir d’être regardé avec l’oeil de Sa miséricorde et le souhait de voir ses besoins satisfaits.
S’agissant de la station à ‘Arafah, rappelle-toi, en y voyant l’affluence des pèlerins, le tumulte de leurs voix et la variété de leurs langues, la station au Jour de la Résurrection, le rassemblement de toutes les communautés en ce lieu et leur demande d’intercession.
En lapidant les stèles, cherche la soumission à l’ordre, la manifestation de l’asservissement et la servitude, et la simple conformation, sans que l’âme ne tire en cela la moindre part [de ce bas-monde].
Concernant Médine, si elle s’illumine devant toi, rappelle-toi qu’elle est la cité choisie par Allah pour Son Prophète صلى الله عليه و سلم, que c’est vers elle qu’Il a légiféré son émigration et en son sein qu’Il a établi sa sépulture. Puis représente-toi les traces des pieds du Messager d’Allah صلى الله عليه و سلم lorsqu’il s’y déplaçait. Figure-toi son recueillement et sa sérénité. Si tu veux rendre visite à la tombe *, que ton coeur soit présent pour le révérer, et la prestance lui appartient. Représente-toi sa magnifique apparence, et garde à l’esprit son rang éminent en ton coeur, puis salue-le. Et sache qu’il a connaissance de ta présence et tes salutations, comme cela est rapporté dans le hadîth. **
* Aboû Hourayrah rapporte que le Prophète صلى الله عليه و سلم a dit : « Personne ne me salue sans qu’Allah ne me rende mon âme pour que je lui réponde. » [Sahîh Aboû Dâwoûd (1795)]
** Celui qui voyage doit avoir uniquement l’intention de voyager en direction de la mosquée du Prophète صلى الله عليه و سلم. Ce n’est que lorsqu’il est arrivé Médine, qu’il peut avoir l’intention de rendre visite à la tombe. De cette manière il ne tombe pas dans l’interdiction énoncée par le Prophète صلى الله عليه و سلم : « On ne sangle les bêtes qu’en direction de trois mosquées : La Mosquée Sacrée, le mosquée éloignée (Al-Aqsâ),et ma mosquée que voici. » [Al-Boukhârî (1995)]
Source : « L’esprit de l’âme », éditions Tawbah