05 – Hadith n°5 : « Il arrive parfois à mon cœur de se laisser recouvrir par un voile fin »

Le cinquième hadith : 

Al-Agharr Al-Mouzanî رضي الله عنه rapporte que le Prophète a dit : « Il arrive parfois à mon cœur de se laisser recouvrir par un voile fin. J’implore alors le pardon à Allah cent fois dans une même journée. » Rapporté par Mouslim.

Ce hadith nous incite à surveiller attentivement l’état du cœur – dans ses bons comme dans ses mauvais moments – à observer son activité ainsi que tout ce qui l’affecte.

Le Prophète lui-même dit : « Il arrive parfois à mon cœur de se laisser recouvrir par un voile fin. » Il guette ce qui se passe dans son cœur, le ressent, puis nous en informe en disant : « Il arrive parfois à mon cœur de se laisser recouvrir par un voile fin. J’implore alors le pardon à Allah cent fois dans une même journée. » Rapporté par Mouslim.

Ainsi, l’imam des musulmans surveille l’état de son cœur, connaît les choses qui peuvent l’affecter et ressent son état. Il dit alors : « Il arrive parfois à mon cœur de se laisser recouvrir par un voile fin (Youghân). »

Expliquons linguistiquement la signification du verbe arabe (Youghân) vis-à-vis du Prophète , avant d’expliquer le hadith, car le sujet est délicat.

Que signifie le terme Alghayn, [dont provient le verbe Youghân] ?

Le mot Ghayn est proche du sens du mot Ghaym (nuage fin). Youghân ‘alayhi, c’est-à-dire quelque chose qui recouvre le cœur et l’enveloppe.

Dans la langue arabe, Al-ghayn désigne ce qui couvre une chose. Tout ce qui s’interpose entre toi et quelque chose est appelé Ghayn en arabe. C’est pourquoi le nuage (Ghaym) est aussi appelé Ghayn, car il s’interpose entre toi et le ciel. Se référer aux ouvrages « Ma‘âlim as-sounan », « Matâli‘ al-anwâr ‘alâ sihâh al-âthâr », et « Charhou Mouslim » d’An-Nawawî.

Étant donné que ce hadith concerne le Prophète , certains savants ont préféré ne pas l’expliquer. Ils ont estimé que le sujet était sensible et qu’il valait mieux ne pas s’attarder à l’expliquer. Ils se sont limités à expliquer la signification linguistique du mot « Ghayn » puis se sont tus, par respect envers le Prophète . As-Souyoûtî a même dit : « Mon opinion est que ce hadith fait partie des hadiths équivoques, et qu’il ne convient pas d’approfondir l’explication. »

Al-Asma‘î (qu’Allah lui fasse miséricorde), un grand homme de science, fut questionné au sujet de ce hadith. Il répondit : « S’il s’agissait du cœur de quelqu’un d’autre que le Prophète ﷺ, j’en aurais parlé. » C’est-à-dire que si c’était le cœur d’un autre, j’aurais expliqué ce hadith. Mais puisqu’il s’agit du cœur du Prophète , je me tais. Il s’est donc contenté d’en donner l’explication linguistique. Il dit : « S’il s’agissait du cœur de quelqu’un d’autre que le Prophète ﷺ, j’en aurais parlé. Cependant, les Arabes disent que le mot Ghayn signifie un nuage fin (Ghaym). » Puis il se tut.

Toutefois, certains savants ont tout de même tenté d’expliquer ce hadith. Évidemment, que ne faut-il pas faire en l’expliquant ? Tenir des propos déplacés qui accuseraient le cœur du Prophète d’être touché pas quelque chose d’inapproprié. Que pouvons-nous donc dire ?

Faites-moi part des significations possibles de ce hadith. Nous savons qu’Al-ghayn, en langue arabe, désigne une chose qui recouvre ou tout ce qui fait obstacle entre deux éléments.

La question est maintenant de savoir : qu’est-ce qui a pu traverser le cœur du Prophète pour qu’il tienne ces paroles et nous informe qu’il implore le pardon à Allah cent fois ? Qu’est-ce donc ?

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C’est l’amour de ce bas monde qui peuple l’Enfer de damnés

2023-11-30 22.40.04

C’est l’amour de ce bas monde qui peuple l’Enfer de damnés, tandis que le renoncement à ce bas-monde remplit d’élus le Paradis. 

La vie est le vin du Diable, celui qui s’en enivre ne se réveille que dans le camp des morts, pris de remords entre les perdants. 

Dans cette vie, chaque humain n’est qu’un invité, son argent n’est qu’un prêt. Or, l’invité finira par partir et le prêt finira par être remboursé. 

L’amour de cette vie est le plus grand des péchés, car son amour implique son exaltation alors qu’elle est insignifiante auprès d’Allah qui l’a maudite. Aboû Hourayrah رضي الله عنه rapporte qu’il a entendu le Prophète صلى الله عليه وسلم dire : « Certes, ce bas-monde est maudit et tout ce qu’il contient est maudit sauf l’évocation d’Allah, de même qu’un savant ou un étudiant. » [At-Tirmidhî n°2322, Ibn Mâjah n°4112 ; authentifié par Al-Albânî]. 

Par ailleurs, l’amour de cette vie nuit à la vie dernière. En effet, la vie d’ici-bas et la vie dernière sont comme deux épouses d’un mari polygame : en faisant plaisir à l’une, tu contraries inévitablement l’autre. 

L’amour de ce bas monde s’interpose entre le serviteur et l’accomplissement de ce qui est utile pour l’au-delà. C’est pour cela que l’homme fait montre d’une grave inattention en se fatiguant dans l’acquisition de biens mondains et dans la construction de ce qui finira par tomber en ruines, tout en sachant que tout ceci est voué à l’extinction et à la disparition. Yoûnous ‘Abd Al-A’lâ a dit : « Ce bas monde est semblable à un homme qui s’endort et qui voit dans son sommeil des choses qu’il aime, et d’autres qu’il n’aime pas. Il continue ainsi dans son rêve jusqu’à ce qu’il en soit extirpé. » [‘Ouddatou As-Sâbirîn, p.190] Ce réveil n’est autre que la mort. 

Il incombe au serviteur de prendre garde à cette vie trompeuse et dupeuse, car sa joie est mêlée de tristesse, sa limpidité mêlée d’impureté. Quand bien même le Créateur n’aurait pas fourni à propos de cette vie d’inquiétantes indications, qu’ll appuya par des exemples parlants, elle se sera chargée de réveiller le dormeur et de secouer l’inattentif. Mais que dire alors qu’Allah nous a montré qu’elle ne vaut pas auprès de Lui l’aile d’un moustique ? L’insouciant croit-il que cette vie est éternelle ? 

Extrait tiré du livre : « L’insouciance », écrit par le noble chaykh Mouhammad Sâlih Al-Mounajjid حفظه الله وفرج عنه, p.62 à 64, Al-Hadith éditions

01 – Hadîth n°1 : « N’est-ce pas que c’est le coeur »

Nous commençons par le premier hadîth qui est celui où le Prophète dit : « En vérité, ce qui est licite (Halal) est clair et ce qui est illicite (Haram) est clair ; et entre les deux se trouvent des choses douteuses (ambiguës, équivoques) que peu de gens connaissent. Celui qui s’écarte des choses douteuses a certes préservé sa religion et son honneur. Quant à celui qui tombe dans les choses douteuses, il finira par tomber dans l’illicite ; à l’instar d’un berger qui fait paître son troupeau autour d’un domaine réservé, proche est le moment où il y pénètrera. Assurément, chaque roi possède un domaine réservé et le domaine réservé d’Allah est Ses interdits.
N’est-ce pas qu’il y a dans le corps un morceau de chair qui, s’il est bon, alors tout le corps le sera, et s’il est mauvais
alors tout le corps le sera, n’est-ce pas que c’est le cœur ».
[Rapporté par Al-Boukhârî et Mouslim, et ceci est la version de Mouslim.]

Ce hadîth a une grande place chez les savants, d’ailleurs l’imam An-Nawawî l’évoqua dans son livre « Les quarante hadîths sur les fondements et les piliers de l’Islam ». C’est l’un des hadîths sur lesquels repose l’Islam car le Prophète  y mentionna l’importance de la licéité de la nourriture, de la boisson, des vêtements, etc, mais aussi que l’individu doit veiller à ces choses-là, et à se débarrasser des ambiguïtés afin de protéger sa religion et son honneur.

Il mit aussi en garde de ne pas tomber dans les choses douteuses (Choubouhât) en illustrant cela par un magnifique exemple. Puis il clarifia l’importance de prendre soin du cœur qui par sa salubrité, toutes les œuvres deviennent bonnes, et qui par sa corruption, toutes deviennent mauvaises.

L’Imam Ach-Châfi’î رحمه الله, de par la compréhension qu’il avait de ce hadîth, le considéra comme étant la moitié de la science [religieuse], il disait : « La moitié de la religion entre dedans « 

Pourquoi l’imam Ach-Châfi’î considéra ce hadîth comme étant la moitié de la science ?

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La différence entre l’espérance et les faux espoirs

Il importe de distinguer l’espérance du faux espoir. Beaucoup de gens pensent espérer la miséricorde de leur Seigneur, alors qu’en vérité ils ne fondent que de vains espoirs.

La différence entre l’espérance et le faux espoir est que ce dernier s’accompagne de paresse. Ils ne mène pas son auteur à la voie du sérieux et de l’effort, contrairement à l’espérance qui implique l’usage des moyens.

Al-Mounâwî رحمه الله dit : « Le faux espoir est blâmable, tandis que l’espérance est louable, car le premier mène son auteur à la paresse, contrairement à l’espérance qui est l’attachement du coeur à la réalisation d’une chose utiles. »

Al-Ghazâlî رحمه الله a dit : « L’espérance se fonde sur une base, contrairement au faux espoir. Lorsque le serviteur s’efforce à accomplir les actes d’obéissance, il dit : « J’espère qu’Allah acceptera de moi ce peu de choses, qu’Il en comblera les manquements et qu’Il me pardonnera, je me fais une opinion positive ». Cela constitue une espérance. Mais s’il se montre insouciant, abandonne les actes d’obéissance et pèche, faisant fi de la promesse d’Allah et de Sa menace, puis qu’il dit : « J’espère qu’Il me fera entrer au Paradis et qu’Il me sauvera de l’Enfer », ce n’est là qu’un faux espoir qu’il considère comme de l’espérance et une bonne opinion. Or, ce n’est que fourvoiement et égarement ». [Fayd Al-Qadîr, t.5, p.67]

Allah عز وجل a montré que l’espérance des croyants est accompagnée d’actes. Il dit  : {Certes, ceux qui ont cru, émigré et lutté dans le sentier d’Allah, ceux-là espèrent la miséricorde d’Allah. Et Allah est Pardonneur et Miséricordieux.}  [S.2, v.218]

Ils ont d’abord cru, puis émigré, puis lutté dans le sentier d’Allah. Allah a montré qu’après toutes ces bonnes oeuvres, grandes et importantes, ils espéraient la miséricorde d’Allah, le Pardonneur et Miséricordieux. Dans la réprobation des faux espoirs, Allah عز وجل dit : {Ceci ne dépend ni de vos désirs ni des désirs des gens du Livre. Quiconque fait un mal sera rétribué pour cela et ne trouvera en sa faveur, en dehors d’Allah, ni allié ni secoureur.} [S.4, v.123]

Al-Hasan رحمه الله a dit : « La foi, ce n’est ni l’apparat ni les faux espoirs. La foi est plutôt ce qui s’enracine dans le coeur et que les actes confirment. » [Al-Mousannaf d’Ibn Abî Chaybah n°30351 ; Shou’ab Al-Imân d’Al-Bayhaqî n°66 ; authentifié par Ibn Al-Qayyim]

Al-Hasan a également dit : « Il est des gens qui sont tellement pris par les faux espoirs qu’ils quittent ce monde sans la moindre bonne action. Malgré cela, tu les vois dire : « J’ai bon espoir en mon Seigneur ». Or, ils se trompent, car s’ils avaient bon espoir, ils auraient accompli de bonnes oeuvres ». [Fayd Al-Qadîr, t.5, p.67]

Les maîtres spirituels ont su que ce bas monde est un champ de culture pour l’au-delà. Le coeur est à l’image de la terre : la terre a autant besoin de semences que le coeur des actes d’obéissance. De même que la terre a besoin d’être entretenue, irriguée, qui a creuser des canaux pour y ramener l’eau, le coeur a besoin d’être entretenu et irrigué avec l’eau de l’obéissance et de l’adoration. Pour pouvoir germer ses graines, la terre a besoin d’être débarrassée des mauvaises herbes. L’agriculteur se met alors à débroussailler son champ pour que les mauvaises herbes ne consomment pas les minéraux du sol et qu’elles n’endommagent pas la culture. À ce même titre, le croyant purifie son coeur de toute équivoque ou passion pour qu’elles n’altèrent pas les germes de l’obéissance qu’il a semées et arrosées avec l’eau de la dévotion.

L’espérance du serviteur doit être comparée à celle de l’agriculteur. Quiconque cherche une terre fertile, y sème des graines fertiles, l’irrigue autant de fois que nécessaire, l’entretien, enlève tout ce qui peut nuire à la culture, puis espère la grâce d’Allah qu’Il n’abatte pas la foudre ou toute autre calamité sur son champ jusqu’à ce qu’il produit ses fruits a fait preuve d’espérance.

En revanche, si l’agriculteur ensemence un sol aride, il est insensé. S’il ensemence une terre fertile, mais qui ne peut être irriguée et dit : « J’attend la pluie ! », son attente relève du faux espoir et non de l’espérance.

L’espérance prend tout son sens lorsque le serviteur attend un bonne chose désirée après avoir mis en oeuvre tous les moyens nécessaires qui sont à sa disposition.

C’est de cette façon que le croyant accomplit les actes d’obéissance et d’adoration, puis attend qu’Allah l’affermisse de par Sa grâce, ne l’induise pas en erreur, ne l’égare pas jusqu’à sa mort, et qu’il Le rencontre satisfait de lui.

Allah عز وجل a blâmé les gens des communautés précédentes habités par les faux espoirs : {Puis les suivirent des successeurs qui héritèrent le Livre, mais qui préférèrent ce qu’offre la vie d’ici-bas en disant : « Nous aurons le pardon. »} [S.7, v.169]

Aussi, le propriétaire du verger dit : {Et je ne pense pas que l’Heure viendra. Et si on me ramène vers mon Seigneur, je trouverai certes meilleurs lieu de retour que ce jardin.} [S.18, v.36]

Mais comment pourra-t-il trouver du bien auprès de son Seigneur alors que, habité de faux espoirs, il n’a guère accomplit de bonnes oeuvres ?

Il faut donc prendre garde aux faux espoirs et oeuvrer avec sérieux, en se conformant à la Sounnah, puis espérer la grâce d’Allah et Ses dons ici-bas et dans l’au-delà.

Source : « L’espérance » du Chaykh Mouhammad Sâlih Al-Mounajjid حفظه الله aux éditions Al-Hadîth (qu’Allah les récompense)